Écosystèmes Agri-Alimentaires Circulaire (CAFE)#

Résumé#

Les pratiques agricoles "conventionnelles", notamment dans les pays occidentaux, utilisent des quantités importantes d'énergies et de ressources fossiles ou abiotiques pour produire des engrais de synthèse. Comment la majorité des nutriments extraits des sols lors des récoltes ne sont pas rapportés à ces sols, de nombreux agriculteurs dépendent de ces engrais. Ce système linéaire et extractiviste perdure encore aujourd'hui à travers le monde, malgré ses impacts sociaux et environnementaux.

Étant donné qu'il fonctionne en circuit ouvert, ce système a de graves conséquences, avec la perspective de pénurie de phosphore, et consomme de grandes quantités d'énergie pour produire, puis détruire les nutriments qui finissent en station d'épuration. De plus, comme elles ne maintiennent pas de stock de carbone organique dans les sols, les pratiques conventionnelles conduisent à une importante perte de biodiversité, à l'érosion des sols, à à leur salinisation, et la lixiviation de grandes quantités de nutriments.Enfin, le régime alimentaire très carné des grandes économies mondiales, notamment aux US et en Europe, applique une pression supplémentaire sur les systèmes agricoles car la nourriture destinée aux animaux accroît les besoins en terres et en nutriments.

La séparation à la source des matières organiques (urine, fèces et "biodéchets") et leur valorisation vont probablement jouer un rôle clef pour atteindre des systèmes agri-alimentaires durables dans un monde qui continue à s'urbaniser. En effet, la transformation des déchets de table et des excrétas humains peut fournir des ressources précieuses comme du compost, des engrais ou de l'énergie et supprimer, à terme, les besoins en engrais de synthèse. Ce projet va donc développer des scénarios prospectifs pour la valorisation de ces matières afin d'estimer à quel point cela peut permettre de se rapprocher d'un système agri-alimentaire circulaire. Pour cela, nous prendrons également en compte la possibilité de changements de régimes alimentaires (réduction de la consommation de produits d'origine animale) ainsi que des pratiques agro-écologiques ayant une faible utilisation d'engrais afin de les comparer aux situations "business-as-usual". Un objectif sera notamment d'évaluer la faisabilité technique de chaque scénario et de quantifier dans quelle mesure il est susceptible d'améliorer la durabilité et la résilience des écosystèmes agri-alimentaires.

Un travail préliminaire sur une bibliothèque Python visant à quantifier les gisements en ressources organiques est disponible ici. Les bibliothèques en cours de développement sont disponibles sur le répertoire du projet CAFE

Ce travail est effectué en collaboration avec les membres du programme OCAPI que vous pouvez suivre sur le Fédivers. Vous pouvez également regarder mes présentations en français ou en anglais.

Quelques chiffres et principes de importants#

Le monde utilise environ 100 Mt d'azote et 17 Mt de phosphore et 33 Mt de potassium [NutrientUse] (respectivement 10 et 4 fois les quantités utlisées dans les années 50-60). Cette surconsommation de nutriments, utilisés avec une efficacité très faible, a de sévères impacts environnementaux. La récupération des exrétas humains fournirait environ 30 Mt d'azote, 3 Mt de phosphore, et 5 Mt de potassium, ce qui représente une fraction importante des besoins agricoles si l'application des nutriments était faite de manière plus raisonnée. Ce gisement est particulièrement crucial dans le cas du phosphore qui est une ressource finie et est actuellement majoritairement perdu dans les océans. Pourtant, comme le disait Isaac Asimov : "il est peut-être possible de remplacer le charbon par du nucléaire, le bois par le plastique, la viande par des levures, et l'isolation par l'amitié, mais pour le phosphore, il n'y a ni substitut ni remplacement".

Le traitement des eaux usées représente environ 20% de la consommation énergétique des services publiques municipaux. Environ 90% de cette énergie est utilisée pour le traitement (80%) et la fin de vie (10%) des déchets présents dans les eaux [Stricker2018]. La récupération des excrétas humains avant qu'ils ne finissent dans les égouts permettrait donc de faires des économies d'eau et d'énergie notables [AboutNitrogen]. Qui plus est, le projet donne sciemment la priorité aux valorisations agricoles (plutôt qu'énergétiques) des excrétas car, si leur potentiel énergétique représente moins d'1% de la consommation énergétique occidentale (5 kWh/personne/jour en moyenne), ce sont des ressources irremplaçables pour faire pousser de la nourriture sur des sols sains.

Résultats préliminaires#

Les premières évaluations des gisements sur une métropole telle que Paris montrent une grande variabilité des quantités et densités, notamment en ce qui concerne la répartition du gisement entre le lieu de travail et lieu de résidence.

Les images qui suivent détaillent les propriétés spatiales des gisements (leur densité et leur répartition) ainsi que les quantités de matières organiques et de nutriments qui proviennent des excrétions et des restes alimentaires générés par les 6 millions de personnes qui y vivent sur une semaine.

Carte de Paris et de ses environs montrant la densité d'azote provenant des matières organiques dans chaque arrondissement ou ville ainsi que leur distribution entre lieu de résidence, de travail et d'étude. Les arrondissements proches du périphérique sont ceux qui ont les gisements les plus importants tandis que ceux du centre-ouest ont des gisements moindres et qui proviennent quasi exclusivement des lieux de travail car peu de personnes habitent dans cette zone.

Carte de Paris et de ses environs montrant la densité d'azote provenant des matières organiques dans chaque arrondissement ou ville ainsi que leur distribution entre lieu de résidence, de travail et d'étude. Les arrondissements proches du périphérique sont ceux qui ont les gisements les plus importants tandis que ceux du centre-ouest ont des gisements moindres et qui proviennent quasi exclusivement des lieux de travail car peu de personnes habitent dans cette zone.#


Diagramme en barres des gisements hebdomadaires de matières organiques dans et autour de Paris : presque 70 kilotonnes d'urine, 6 kilotonnes de matières fécales (fèces) et 12 kilotonnes de biodéchets, dont 8 provenant des résidus alimentaires.

Gisements des différents types de matières organiques générés chaque semaine.#


Camembert des gisements de nutriments associés aux matières organiques : 73% d'azote (569 tonnes, principalement dans l'urine), 8% de phosphore (59 tonnes, principalement dans l'urine et les fèces) et 19% de potassium (145 tonnes, réparties de manière plutôt homogène entre toutes les matières).

Gisements de nutriments associés aux matières organiques : 73% d'azote, 8% de phosphore et 19% de potassium.#

[NutrientUse]

Conversion des masses présentes sur OurWorldInData de P2O5 vers P et K2O vers K.

[Stricker2018]

Consommation énergétique des filières intensives de traitement des eaux résiduaires urbaines. Journées Information Eaux (23e édition)

[AboutNitrogen]

Dans le système actuel, on paie cher en énergie pour convertir le diazote de l'air en ammoniac et faire des engrais au début de la chaîne, puis on repaie pour dénitrifier les eaux usées en bout de chaîne. En effet, dans les stations d'épuration, après que les gens aient tiré la chasse, on reconverti l'azote en diazote à grand frais pour le renvoyer dans l'atmosphère et limiter la pollution des eaux.